jeudi 29 juin 2017

  Assistant super héros


Dans une autre vie, j'ai travaillé en collaboration avec des artistes, parfois très connus, parfois moins.
Ils me proposaient une idée et moi je la transformais en matière.

Beaucoup de visiteurs disaient : "Mais c'est vous l'artiste ! Vous avez tous fabriqué !"

On aurait pu le penser.
C'est vrai que je créais une forme qui s'accroche à la lumière, qui donne envie...
L'idée devait devenir "sculpture attractive", une oeuvre élégante.

C'est déjà en soit beaucoup de travail et un apprentissage long, méticuleux, plus que respectable !
Mais je ne suis pas l'artiste.
Car l'oeuvre de l'esprit, ce n'était pas moi...

Je dirais plus que j'étais "l'assistant artiste", un peu comme un assistant super héros...


Je suis comme le super héros. 
J'ai la cape et le loup sur les yeux, mais ce n'est pas moi qui dirigeait l'action.

Alors oui, au final, comme le héros, je sauvais des gens et sans pour autant être devant les projecteurs.

Mais je n'avais pas cette terrible responsabilité de CHOIX.
Cette liberté angoissante de finalité de l'oeuvre.

Rester dans l'ombre a des bons côtés. 
On prend moins de risques, on se laisse accompagner par l'artiste tout en profitant du plaisir de créer.

Sécurité supplémentaire : Je devais rester dans une identité, propre à l'atelier où je travaillais.
Je n'avais plus qu'à surfer avec ma sensibilité, qui est bien là car au final je n'aurai pas fait ce métier si elle n'existait pas.

Aussi ce visiteur émerveillé qui me disait "c'est vous l'artiste", je ne lui en veux pas car c'était un compliment qu'il me faisait.
Je le recevais avec beaucoup d'humilité et de gêne parfois 
Beaucoup de mal à y croire soi-même  mais je m'abstenais de tout commentaire.

Seulement voilà, ce que je peux y répondre aujourd'hui c'est que non, je ne suis pas l'artiste, 
ne vous trompez pas.

Voici un visuel que j'aime bien.



Pour moi, il définit toutes les ambiguïtés que l'on découvre dans le métier d'un Artiste.
Imaginez si celui-ci est entrepreneur ! Un vrai schizophrène je vous dis!

mardi 13 juin 2017


                       Authentique beauté




Pourquoi faudrait-il toujours montrer uniquement ce qui est "beau" et propre ?

Allez, avouez!
Nous le faisons tous et toutes.
A juste titre, nous ne voulons montrer que le meilleur.
Normal...
Quand vous dressez une table pour vos invités, vous aimez que tous soit parfait ?


Mmmh...c'est douteux hein ?
La personne devant vous se demande s'il n'y a pas quelque chose qui cloche.
Et elle a raison, car nous sommes tous imparfaits.

En Céramique, c'est pareil.
En Art aussi.

Dans ce blog, j'aime bien montrer quand ça ne marche pas.
Qu'on ait 10 ans de métier (et croyez moi, c'est beaucoup plus dur de l'accepter), ou que l'on soit débutant, des fois ça ne marche pas! Faut lâcher prise avec ça... si si c'est important.

Pourquoi ? Parce que la céramique est capricieuse !
Mais aussi pour autre chose, l'authenticité de son travail.


Par exemple, je n'aime pas les grandes expositions au musée qui montre le final sans montrer le début.
Bon ok...à la limite, si l'artiste est mort...par devoir de mémoire, on nous projette quelques films.



Franchement c'est un peu triste.
Les pièces siègent dans une grande étendue blanche.
Oui d'accord c'est reposant et ça fait propre. 
Peut être un peu trop justement....


Combien de nuits blanches, d'essais, de ratés se trouvent derrière cette image aseptisée ?
Ne rend-on pas la réalisation inhumaine ? 
Je pose juste ici une question ouverte.

Parfois c'est voulu. 
Ça sacralise la matière et ça l'élève sans doute.
Je respecte ce choix, mais à force c'est devenu monnaie courante, une habitude même.

Moi j'aimerai bien parfois des œuvres dans l'ambiance avec tous ses processus et ses échecs d'humains mal foutus, avec les volontés qui n'ont pas marché et les réussites...pas fait exprès.

Et pas seulement le cliché des "mains de travailleurs" et des beaux outils plein de poussière (bien protégés sous une vitrine).
Parce que ce n'est pas que les mains  et les gestes qui ont œuvré...

Par exemple, ici j'ai flingué un mug, parce que (et pourtant je le savais), 
On-ne-met-pas-d'engobe-sur-un-biscuit!.... sinon ça craquelle.


J'avais déjà fait cette erreur... Et ben j'ai recommencé, voilà!
Pourquoi ? Allez, savoir..J'en suis pas à ma première pièce pourtant...

Ce qui me fait avancer cependant, c'est que dans ce lot d'essais mal foutues, 
parfois quelque chose de beau ressort, 
quelque chose de profondément humain.

Je ne peux donc pas détacher mes erreurs de tous le reste, car ce ne serait pas honnête.
C'est mentir sur la vraie nature de la pièce.

Une belle pièce c'est aussi tous les échecs pour y parvenir.
Qu'en pensez-vous ?






lundi 5 juin 2017

                            Bulle de sérénité 
    


Lorsque je fais une pièce, que je tourne, que je manipule la terre à la main, un phénomène étrange se crée.

Le monde s'arrête, enfin je ne sais pas s'il s'arrête mais moi je n'y prête plus attention. 
Une partie de mon cerveau s'enclenche et laisse tous mes soucis aux portes de mon atelier.
C'est là où je suis la plus efficace. 
Là où je donne le meilleur de moi même.

Ça demande une grande concentration et les personnes qui sont autour, se demandent pourquoi un tel silence règne. 
Pourquoi pas une petite musique de fond ? A quoi cela servirait ? Je ne l'entends pas.
A croire que le calme fait peur ;-)
S'ils savaient ce qu'il se passe dans la tête de celui qui fait...

Les mains parlent pour nous.
Moi je raconte une histoire sans un mot. 

C'est ce que je trouve si précieux dans les métiers d'art. 

L'imprimante 3D (par exemple), j'admets peut être un outil formidable et une avancée technique très utile.Et je m'en servirai si besoin.

Mais...
Elle reproduit à l'identique. Elle n'exprime pas. Elle ne donne pas une once d'émotion.

Sachez donc,
lorsque vous achetez une pièce chez un artisan, c'est ce morceau d'âme que vous vous offrez.
Pour que la vie soit un peu moins mécanique... 

Je terminerais cet article par une citation d'un GRAND Monsieur de la céramique,
Daniel de Montmollin. 

"Par son corps, la personne s'inscrit dans le monde matériel et sensible. Ainsi s'effectue l'échange entre le monde extérieur et la vie intérieure, va-et-viens permanent entre action et ressenti."